Parlons comme par le passé [Jenny/Swann]

Soupirant, j’attends impatiemment que le bus arrive enfin, pour pouvoir rentrer chez moi. J’ai vraiment une horreur des transports en commun et pourtant, je n’ai pas le choix de les utiliser si je veux rentrer à mon appartement sans marcher pendant des heures. Aussi, je prends mon mal en patience, jouant avec  mon téléphone. Mais malheureusement, mes pensées ne se montrent pas très coopératives et elles partent pour penser à Hazel. Que fait-elle depuis que je l’ai laissé ? Est-ce qu’elle va vraiment bien ? Surtout que je sais que dans quelques jours, ça fera un an qu’elle a eu l’accident qui lui a coûté ses jambes et lui a fait perdre sa mère. Aussi, je me doute bien que ça ne doit pas être la grande forme, mais j’aimerai pouvoir l’aider. Mais pour ça, faudrait-il savoir écrire et lire, pour trouver quelque chose de correct pour qu’elle ne pense pas trop à cette date. Il faudra que je lui trouve quelque chose. Le bus n’étant toujours pas arrivé, je commence à en avoir marre d’attendre. Puis à force, j’aimerai bien trouver une oreille attentive, pour m’aider à comprendre ce que je dois faire avec Hazel. Pas que je veux me plaindre, non loin de là ! Mais simplement avoir un avis sur ce que je dois faire, si je dois lui dire que j’éprouve des sentiments ou non … Enfin voilà, quelqu’un qui m’aiderait à me changer les idées. Au moins pour ce soir. Soupirant, je sors mon téléphone qui est cassé et tente de trouver un contact. J’ai repensé à elle lorsque j’ai vu Monsieur Briar au parc, lorsque je promenais Heiko. Espérant que j’ai bien appuyé sur le contact, vu que je ne suis pas certaine d’avoir bien déchiffré, j’attends patiemment qu’elle décroche. Lorsqu’elle le fait, je souris doucement. « Hum … Jenny. Salut c’est Swann … Je voulais savoir si tu voulais qu’on aille boire un verre au Puddy’s Brewery ? » Lorsqu’elle me répond qu’elle est d’accord, je souris. Finalement, je ne vais peut-être pas passer toute ma soirée, perdue dans mes pensées. Raccrochant, je me rends que je n’ai du coup pas besoin de prendre le bus. Tournant les talons, je remonte mon petit sac sur l’épaule, avant de traverser les rues pour rejoindre le bar. Arrivée devant, je me dis que j’ai pas mal d’avance, vu que j’étais à côté, contrairement à Jenny. Fermant les yeux, je m’appuis contre le mur. J’ai envie d’appeler Hazel mais pour lui dire quoi ? Que j’ai hâte d’être demain pour la voir ? Non c’est complètement idiot ! Ouvrant de nouveau les yeux, j’entre et demande une table pour deux. Rien à faire s’ils pensent que c’est un rendez-vous ! Je n’ai jamais eu de telles pensées à l’égard de Jenny, l’ayant toujours considérer comme une très bonne amie. Même si j’espère qu’elle ne m’en veut pas d’avoir été absente pendant un an et demi et surtout d’être partie de l’Eden sans lui dire au revoir. Jouant nerveusement avec le verre d’eau qu’on vient de m’amener, je lève les yeux et la vois arriver. Faisant un petit signe de la main, je souris lorsqu’elle arrive à ma hauteur. Me levant de ma chaise, je la prends rapidement dans mes bras, avant de la relâcher. « Jenny ! Ca fait trop longtemps ! Comment vas-tu depuis tout ce temps ? »
 

Lorsqu’elle me confirme qu’elle peut venir car elle ne travaille pas aujourd’hui, je souris de soulagement et heureusement que je suis en pleine rue, sinon, j’aurai pu faire une petite danse de la victoire. Au moins, déjà, je sais que je ne me suis pas trompée de numéro et en plus, je ne vais pas passer ma soirée toute seule. Que demander mieux ? Qu’Hazel aille mieux, mais pour ça, je ferais tout mon possible. Me dirigeant dans les rues du quartier de Bayer Lake, j’observe tout ce qui se passe autour de moi. J’aimerai pouvoir faire comme les autres, pianoter sur mon téléphone tout en marchant. Mais bien évidemment, je ne peux pas, tout ça parce que je ne sais pas écrire ou lire. Et je me rends compte que ce n’est pas parce que je ne suis plus en étude, que ça ne me coute pas. Finalement, même en vieillissant, on a besoin de savoir lire et écrire. Ce que je ne sais pas. Mais comment avouer qu’à 25 ans, on ne sait pas faire ce qu’un enfant de 6 ans, commence à apprendre ? Ce n’est pas évident et puis, j’en ai honte … Comment réagirait mon entourage s’ils apprendraient la vérité ? Même si nous ne sommes plus très nombreux, vu que ma famille a éclaté en morceaux il y a de nombreuses années, il n’empêche qu’Hazel fait partie des personnes qui me sont proches. Et j’ai peur qu’elle se moque … même si je ne la vois pas agir de la sorte. Mais je n’arriverai pas à lui dire, je le sais. C’est sur de telles pensées, que je pousse la porte du bâtiment. Prenant place à une table, j’attends patiemment que mon amie arrive. Lorsque je vois sa silhouette qui se dessine, je souris comme une idiote. Arrivée à ma hauteur, je serre Jenny dans mes bras, avant de la relâcher et de reprendre place. Je lui souris lorsqu’elle s’assoit à côté de moi. J’écoute avec attention me dire qu’elle va bien et que ça lui fait plaisir de me voir. « Le plaisir est partagé ! Et je vais bien, merci ! » Au même instant, on nous emmène la carte de la brasserie, je me rends compte que c’est vraiment compliqué pour moi … Même être dans un endroit comme ça, je ne peux pas commander, car je ne sais pas lire. Après avoir fait semblant d’étudier la carte, je me tourne vers Jenny. « Alors, qu’est-ce qui te dit le plus ? Je prendrai la même chose qu’elle ! », j’ajoute à l’intention du serveur. Au moins comme ça, problème réglé ! Une fois la commande passée, je me tourne vers mon amie. « Alors qu’est-ce que tu deviens ? Tu travailles toujours à l’Eden ? »

Peut-être que c’était égoïste de ma part de demander à Jenny de venir boire un verre. Cela faisait tellement de temps que je ne l’avais pas vu, que j’avais peur qu’elle pense que c’était par simple ennuie, car je n’avais personne d’autre à voir. D’un côté, c’était vrai. Mais de l’autre, c’était que ça faisait longtemps que je ne l’avais pas vu. Et avoir vu Monsieur Briar dans le parc en sortant Heiko, m’avait fait penser à Jenny. Lorsqu’elle arrive, je lui fais signe, de ma place. Me levant, je la prends dans mes bras, avant de me rasseoir. Lorsqu’on regarde la carte, je me sens mal. Vu que je ne sais pas écrire ni lire, ce n’est vraiment pas évident pour choisir ce que je veux. C’est bien pour cette raison que je dis au serveur que je veux la même chose que Jenny. Au moins, ça ne se voit pas que je ne comprends rien à la carte de l’établissement. Mon amie choisit deux mojitos du coup. Ça tombe bien, je n’en ai jamais bu ! Redonnant la carte au serveur, tout comme Jenny, je le remercie d’un sourire alors qu’il s’en va. Prenant la parole, j’interroge Jenny sur ses occupations. Depuis le temps, elle a peut-être changé de vocation, même si ça m’étonnerait. Elle aimait tellement être Dj, que je ne pense pas qu’elle est arrêtée son métier. Mais après tout, elle a peut-être changé d’endroit pour jouer le soir. Lui souriant doucement face à sa réponse, je suis contente qu’elle ait trouvée quelque chose qui lui plait. Pour ma part, l’Eden n’était pas l’endroit pour moi. La preuve, j’ai enfin trouvé ma vocation ! Même si ce n’est pas le métier que tout le monde rêve de faire, je l’aime bien moi. Puis Hazel est très gentille et elle ne me laisse pas indifférente, mais ça, c’est une autre histoire ! En tout cas, auxiliaire de vie me correspond mieux que stripteaseuse, ça c’est sûr. Lui souriant, je n’ai pas le temps de lui répondre, qu’on nous sert nos verres. Trinquant avec Jenny, je bois une gorgée, avant de lui répondre. « Eh bien, j’ai retrouvé un travail il y a quelques mois. Je suis auxiliaire de vie, d’une jeune-femme qui est en fauteuil. On s’entend bien, elle est super ! » Je ne vois pas quoi dire de plus. Reprenant une gorgée, je trouve ça vraiment bon. « J’ai croisé Monsieur Briar il y a quelques jours d’ailleurs ! Ça m’a fait bizarre de le recroiser, en dehors de l’Eden. »

Rien n’était facile en ce moment. Surtout qu’avec mes sentiments pour Hazel, ça devenait compliquer à gérer. Mais je m’inquiétais surtout pour elle. Comment allait-elle gérer une année passée, à être en fauteuil ? J’avais peur qu’elle ne supporte pas … Surtout que ça ferait également un an que sa mère était décédée, ce qui devait être difficile à accepter pour elle. Et je savais de quoi je parlais ! C’était toujours difficile d’accepter la perte d’un parent, encore plus lorsque c’est aussi soudain. Parfois, je me demande si Hazel pense à rejoindre sa mère. Sa vie est tellement différente depuis cet accident, qu’elle doit avoir du mal. Lorsque Jenny, qui est arrivée, commande deux mojitos, je la laisse faire. Après tout, si j’avais dû lire la carte, on n’était pas sorties ! J’aurai lu toute la carte en trois jours et encore, si ce n’était pas plus ! Une fois servi, je bois une gorgée avant de parler un peu de mon travail. Je ne sais pas trop quoi lui dire. Après tout, pour elle, ça doit être assez répétitif. Pour Jenny, chaque soirée est différente, ce n’est jamais les mêmes musiques. Mais pour moi, ma journée est toujours la même : aider Hazel au quotidien. Pourtant, j’aime ce que je fais, surtout que la jeune-femme est de très bonne compagnie. Je préfère largement être auxiliaire de vie, plutôt que d’être stripteaseuse. Il n’y a pas photo comme on pourrait dire ! Je souris à Jenny par-dessus mon verre, face à sa réponse. C’est vrai que ce n’est pas simple tous les jours. Mais ce n’est pas le métier en lui-même qui est difficile à gérer, mais plutôt mes sentiments envers la brune. Avouer tout ça à Jenny ? Non. Même si c’est mon amie, je préfère garder ça secret et ne le dire à personne. Je n’ose même pas imaginer la tête d’Hazel si elle l’apprenait par mégarde ! Enchainant, surtout pour changer de sujet, je dis à Jenny que j’ai croisée son patron il y a quelques jours. C’est vrai que ça m’a fait bizarre. Mais pourtant, ce n’était pas une rencontre désagréable. Regardant Jenny, je souris doucement. « Il avait l’air d’aller bien en tout cas. Il sortait son chien. Ce dernier est arrivé pour voir le mien et c’est comme ça qu’on s’est revus. » Finissant mon verre, je regarde autour de moi. On est arrivées au bon moment, il y a de plus en plus de monde. « Et toi, dis-moi, tu as quelqu’un en vue ? »

Voir Jenny allait me changer les idées, pendant quelques minutes. Depuis que j’avais quitté l’Eden, je l’avais très peu vu. Et pour cause, j’avais décidé de tirer un trait sur cette partie de ma vie. Un peu par honte, mais aussi, parce que ça me rappelait le décès de mon père. Même si Gregory pensait que ce n’était pas un père, j’ai toujours pensé le contraire. Il a toujours tout fait pour nous, même si c’est notre mère qui dépensait. Je pense que je suis encore la seule qui va la voir à la maison de repos, même si elle ne se souvient jamais de moi. Soupirant, je discute rapidement avec Jenny. Puis je lui raconte que j’ai croisé mon ancien patron et le sien actuel. Sans entrer pour autant dans les détails, je lui explique que je l’ai croisé, alors qu’il promenait son chien. J’avoue que ça avait été une bonne surprise de le voir. Même si je ne pensais pas, mon ancien patron était quelqu’un de vraiment sympathique. Enfin, il l’était. Mais le voir en dehors de la boîte, c’était étrange. Encore plus de voir qu’il se souvenait encore de qui j’étais, chose que je ne pensais pas. Pour moi, il aurait oublié bien vite qui j’étais, surtout vu comment je l’avais planté lui et les filles. Mais j’avais été ravie de voir qu’il ne m’en voulait nullement, bien au contraire. S’il était vraiment sincère, il m’avait dit qu’il était heureux pour moi, pour mon nouveau travail. Pour ma part, j’étais bien contente d’avoir trouvé ce métier chez Hazel. Me tournant vers la brune après avoir fini mon verre, je lui demande si elle a quelqu’un en vue. J’espère qu’elle ne se vexera pas de mon indiscrétion. Au pire, elle n’a qu’à me dire que ça ne me regarde pas, je comprendrais tout à fait. Je la regarde et lui lance un petit clin d’œil. « Ah … dis-moi tout ! Qui est l’heureux élu ? »