Votre cheval murmure à votre oreille • Azalée

Aujourd’hui, je laissais Kyriann gérer le salon de tatouage, il en avait l’habitude. Et j’avais parfaitement confiance en lui, je savais qu’il travaillait bien et qu’il ne risquait pas de faire des bêtises pendant ma journée de repos. Et puis, j’avais bien le droit de me reposer de temps en temps. Le salon de tatouage était pratiquement ouvert tous les jours, sauf le dimanche et avec des horaires assez agréables. Alors j’avais bien le droit de me détendre d’autant qu’aujourd’hui, j’allais reprendre une activité qui me tenait à cœur. J’avais fait de l’équitation pendant plus de vingt ans au haras de la ville et j’avais arrêté à la mort de mes parents, incapable de me payer les cours. Mais maintenant que j’avais un niveau de vie plus que décent, je pouvais reprendre ce sport qui était une réelle passion pour moi, après les tatouages. Je fis quand même un crochet par le salon parce que j’avais un client que je devais absolument voir mais je fus rapidement mise dehors par le jeune homme. Je pris ma voiture, toutes mes affaires d’équitation se trouvant dans le coffre. D’ordinaire, j’aurais pris ma moto pour me déplacer mais j’avais beaucoup de matériel alors je ne pouvais pas me permettre de me charger plus que de raison. J’arrivais rapidement à bon port, retrouvant avec plaisir la propriétaire des lieux que je connaissais depuis quelques temps maintenant. Elle était déjà propriétaire du haras quand je montais à cheval et je connaissais un peu ses enfants. Je fus rapidement remise dans le bain, découvrant de nouvelles montures et en retrouvant d’autres qui avaient bien changé. En même temps, dix ans c’étaient écoulés depuis la dernière fois que j’étais monté à cheval alors c’était logique que les cheveux aient changé. Mon heure de cours se passa merveilleusement bien. Je retrouvais des sensations que j’adorais et je me rendais compte que je n’avais pas tant perdu que ce que j’avais pensé de prime abord. Alors que je mettais pied à terre pour retourner au box de mon cheval, je croisais une jeune personne que je connaissais depuis qu’elle était enfant. « Bonjour Azalée. » Il y avait de fortes chances pour que cette dernière ne me reconnaisse pas. La dernière fois que nous nous étions croisés, elle avait treize ans et j’avais moi-même beaucoup changé. Mes longs cheveux noirs avaient laissé place à une coupe garçonne et j’avais une ribambelle de tatouages. Alors elle ne risquait probablement pas de me reconnaître.

Cet après-midi-là, pas de fac pour moi, un cours barbant mais obligatoire de Français avait été annulé, la prof avait une grosse grippe et ne pouvait pas venir, malgré les devoirs transmis, j'avais encore du temps pour m'occuper avant de devoir me prolonger dedans. Le refuge n'avait pas besoin de moi, pas mal de chien avaient des visites, et les box avaient été faits ce matin. Je décidais alors d'en profiter pour m'occuper un peu de Nevada. Lorsque je traversai la cours du haras pour aller aux écuries, je vis ma mère avec quelques élèves en carrière, le temps le permettait. Je la saluais de la main et allai directement au studio au-dessus de l'écurie. J'ouvris la porte de mon appartement et commençai à me déshabiller, les tenues de ville ne me permettaient pas de bouger correctement dans mes activités à l'écurie. J'enfilais un pantalon d'équitation vert foncé, et un t-shirt noir. Mes bottes n'étaient pas utiles, j'allais chouchouter Nevada et la longer un peu. Je mis alors une paire de chaussettes hautes et mes chaussures de randonnée. Un arrêt à la salle de bain pour me faire une queue haute, et enfiler mes lunettes de vue. Une migraine pointait son nez, mais les lunettes allaient suffit à la calmer. Porte verrouillée, escalier dévalé, je filais à la sellerie prendre mon matériel. Mon épaule serait assez grande pour porter tout ce dont j'avais besoin, licol, longe, filet, longe de travail, surfaix, élastique, tapis, et chambrière. Je savais que Nevada n'en avait pas besoin, mais si Jumper me voyait, il viendrait et je détestais qu'il soit dans mes pattes lorsque je travaillais, et la chambrière lui indiquerait de ne pas venir. Je m'élançais dans l'allée des box lorsque j'entendis le claquement des sabots des chevaux qui devaient rentrer après leur cours. Je ne vis qu'un cheval entré, la jeune femme qui le tenait me salua :
-Bonjour Azalée.
Je ne la reconnus pas de suite, mais au son de sa voix, je me souvins.
-Kelsey ! Wow cela faisait un moment que l'on ne t'avait pas vu, dis-je étonner de la voir ici, la dernière fois que je l'avais vu , je devais avoir tout juste douze ou treize ans.
Je vis que le box du cheval qu'elle avait était à côté de celui de Nevada, j'allai donc déposer mes affaires.
- Alors cette séance ?
Elle avait drôlement changé, je me souvenais d'une fille aux cheveux longs , un teint très clair. Mais ce nouveau look lui allait à ravir.

Ma séance de monte à cheval avait été une réelle redécouverte. Je n’avais pas tant perdu de mon niveau que ce que je pensais de prime abord. J’étais bien contente, après tout, j’avais acquis un bon niveau en vingt-deux ans d’équitation. J’étais monté pour la première fois sur un poney à l’âge de trois ans, dans ce haras. Et cela m’avait énormément plu si bien que je n’avais arrêté de monter que vingt-deux ans plus tard, à la mort de mes parents. Comme quoi, l’équitation pouvait être comme le vélo, cela ne s’oubliait pas. On ne fit que du dressage, cela me rassura un peu car je ne me sentais pas encore suffisamment à l’aise pour faire du saut d’obstacle. Après une heure de monte, je pus mettre pied à terre pour retourner au box d’Athènes, la jument que j’avais monté aujourd’hui. C’était une merveilleuse jument, elle était très bien dressée et répondait au doigt et à l’œil. Seul point négatif de la séance, j’avais mal aux fesses. J’avais perdu l’habitude et c’était assez désagréable comme sensation. Mais j’aimais cette sensation, c’était assez paradoxal. En retournant au box d’Athènes, je croisais une jeune personne que je n’avais pas vue depuis bien longtemps. Azalée, la fille de la propriétaire se trouvait dans le box juste à côté du mien. Je la saluais et elle mit quelques secondes à me reconnaître. J’eus un petit sourire à son égard. Beaucoup de personnes se seraient énervées de ne pas être reconnu mais pas moi. Il fallait dire qu’en dix ans, j’avais beaucoup changé. « Et oui, très longtemps. Trop même si tu veux mon avis. » Monter à cheval m’avait manqué. Mais je n’avais pas eu d’autre choix que d’arrêter à la mort de mes parents. Mais désormais, j’avais suffisamment d’argents pour pouvoir reprendre. Une fois Athènes dans son box, je lui enlevais tout son harnachement tout en discutant avec Azalée. « C’était réellement super. Malgré mes dix années d’arrêt, je n’ai pas autant perdu que ce que je pensais. En tout cas, tu as bien grandit dis donc. » En même temps, c’était logique. Elle avait à peine treize ans quand je l’avais vu pour la dernière fois alors elle avait bien grandit.

Cela me faisait du bien de revoir Azalée. Je me souvenais d’une petite fille de douze ou treize ans qui était toujours fourrée au haras et qui aidait beaucoup. Je découvrais désormais une jeune femme qui n’avait pas tant changé que cela au niveau du haras. Après, je ne connaissais plus aussi bien la jeune femme alors je ne pouvais dire si elle avait plus changé que cela ou pas. Mais en tout cas, cela faisait remonter de bons souvenirs à la surface. Je me souvenais de nos discussions pendant l’entretien des cuirs ou quand j’aidais à l’entretien des boxs. J’avais toujours aimé donner un coup de main aux palefreniers, c’était quelque chose qui me plaisait. Si je n’étais pas devenue tatoueuse, j’aurais certainement fait une formation pour devenir palefrenière. En tout cas, j’étais très contente de voir que mon niveau n’avait pas tant baisser que cela et j’étais d’accord avec la jeune femme. C’était comme le vélo, cela ne s’oubliait pas totalement. Je ne pus m’empêcher de rire quand elle me parla de mes fesses. « Et je confirme, je les sens très bien. Et pour ta taille, on s’en fiche. Le principal, c’est quand les deux pieds touchent bien le sol, comme disait mon père. » J’eus un petit pincement au cœur en parlant de ce dernier mais je préférais me souvenir des bons moments que de sa mort. Tellement de mauvaises choses avaient suivi le départ de mon père pour les cieux que je ne voulais pas m’en souvenir, pas aujourd’hui. Je relevais la tête vers la jeune femme quand elle me parla de mes tatouages. « Tu es bien la première à me dire ça. » Après tout, certains de mes amis n’étaient pas totalement d’accord avec mon nouveau look. Et je ne parlais pas de ma tante ni de ma plus jeune cousine. Elles m’avaient clairement fait comprendre que je ressemblais trop à mon père et que j’étais plus ou moins devenue persona non grata dans la maison de mon oncle. Heureusement que ce dernier m’aimait sinon, je n’aurais quasiment aucun contact avec ce qu’il me restait de famille. « Et encore, tu ne vois que ceux qui sont visibles. Il doit y en avoir au moins autant sous mes vêtements. » J’étais pratiquement entièrement tatoué. Sauf le dessous des pieds, la poitrine, le visage et certaines parties plus intimes, j’avais mes limites quand même. Mais il restait encore quelques zones à tatouer dans ce que j’acceptais de faire alors j’avais encore de la marge avant de devoir dire stop.

Kelsey était le genre de fille à l’époque qui était très investi au club. Elle restait toujours donner un coup de main pour les box, ou alors pour cirer les cuirs. Il arrivait même qu’il y ait des pique-niques l’été pour que les gens qui restaient la journée puissent manger sur place et rester auprès de leurs chevaux. J’y avais souvent vu Kelsey. J’adorais y participer, même si je savais que je pouvais manger chez ma mère dans une vraie cuisine, j’aimais être avec les autres, manger sur un ballot de paille, un bon sandwich, entouré de gens qui rigolent, et surtout avec l’odeur des chevaux autour de nous.

Je savais que ma séance de longe pouvait être repoussée et parler à une ancienne amie me faisait toujours plaisir. « Et je confirme, je les sens très bien. Et pour ta taille, on s’en fiche. Le principal, c’est quand les deux pieds touchent bien le sol, comme disait mon père. » J’aimais la remarque que Kelsey venait de dire. Il est vrai qu’il fallait que nos pieds toujours le sol pour toujours être bien concentré sur nos idées. Et surtout pour être réaliste. Lui dire que ses tatouages étaient beaux, lui parut étonnant. Elle m’annonça que j’étais la première à lui dire cela, et qu’encore, je ne voyais que les visible. Il y en avait autant sous ses vêtements. Je fus étonné. Kelsey avait toujours été une fille bien propre sur elle. Et souvent, les tatouages étaient mal vus. Ma mère, elle voyait ça d’un mauvais œil. Si elle savait que j’en avais un au niveau de la hanche. Une petite grenouille, elle me tuerait. J’avais même pour projet d’en faire un second.

« Chacun de tes tatouages raconte une histoire ? » J’aimais savoir ce que les gens pouvaient cacher. J’observais les bras de la jeune femme. Et une question me traversa l’esprit.
« Il y a des endroits qui font plus mal que d’autre ? » Questionnais-je par curiosité.
Nevada me mit coup de tête dans la poche arrière. Elle savait très bien qu’il y avait un bonbon pour cheval dedans. Je soupirais et du coup, je pris la friandise et lui tendis.

J’avais toujours aimé venir au club d’Heatherfield. J’y venais pour ma leçon mais il m’arrivait également de rester plus longtemps après, aidant les palefreniers à s’occuper des chevaux. J’avais toujours aimé ces derniers, je ne comprenais pas pourquoi. D’aussi loin que je me souvenais, j’avais toujours aimé les équidés qu’ils soient poneys ou chevaux. Il y avait des choses que l’on ne comprenait pas et c’était parfois tant mieux. Et puis, ce que j’aimais au centre équestre, c’était rencontré du monde de tout horizon. Au salon de tatouage, je rencontrais généralement toujours les mêmes personnes, les clients habituels. Même s’il pouvait y avoir de nouveaux clients, on tournait généralement avec des clients fidèles, ceux qui revenaient pour un deuxième, troisième tatouage voire plus. En tout cas, remonter à cheval m’avait fait le plus grand bien même si mon corps ne chantait pas le même discours. Et j’étais bien contente d’être tombé sur Azalée, cela faisait bien longtemps que je ne l’avais pas vu et la demoiselle avait bien grandi. Elle me complimenta sur mes tatouages et je devais avouer que ce n’était pas habituel. Après tout, les gens ont tendances à faire des assimilations étranges concernant les tatouages. Certains pensaient que l’on était des drogués, d’autres que l’on était des marginaux… Ce qui n’avait rien à voir. J’essayais de faire changer les mentalités mais ce n’était pas toujours évident. Surtout avec certaines personnes qui pouvaient se révéler du genre têtu… « Mes tatouages racontent tous une partie de ma vie. » Ce qui était la stricte vérité. Il n’y avait aucun tatouage coup de cœur ou sans signification pour moi. Elle me demanda ensuite si certaines parties du corps faisaient plus mal que d’autres et je hochais la tête. « Et oui. Les pieds par exemple ou encore les mains. Après, cela dépend beaucoup de la personne qui se fait tatouer mais ce sont principalement ces zones-là qui font mal. » Et j’étais tatouée sur le dessus des pieds ainsi que sur le dessus des mains. Autant vous dire que j’avais eu assez mal quand je m’étais faite tatouer à ces endroits mais je ne regrettais pas le résultat. « Tu as un tatouage? Je crois me souvenir que ta mère a toujours été plus ou moins contre. » Après, Azalée était désormais majeur donc elle n’avait plus besoin de l’autorisation parentale pour se faire tatouer. Et généralement, quand on interdit quelque chose à une personne du même âge que la jeune femme en face de moi, elle cherchait toujours à braver l’interdit.